Les bâtisseurs savent que rien ne s’élève sans un solide ancrage dans la terre. Anne ne quittait donc celle du jardin familial que pour se jucher sur un pilier qui en délimitait la clôture, elle qui, enfant, aimait à le fouler sans chaussure : « Ça me postait au sommet de la colline. Je me disais “d’ici, je peux tout voir ; je pourrais aller au bout du monde”. » Si les perspectives toutes tracées sont l’apanage de l’architecte et du devin, elle les doit plus aux œuvres de sa main qu’à l’action du destin. La fondatrice de l’Atelier ANN-T, pour qui coller à l’identité du projet implique de ne jamais copier à l’identique, assure le même sur-mesure en étirant d’importantes résidences, qu’en réalisant une extension pour de vénérables résidents : « Mon but a toujours été d’être fière de ce que je proposais et j’y suis toujours parvenue. Je tiens à apporter des zones tampons, des vues, une convivialité de quartier ou une intimité qui vont adoucir des endroits parfois agressifs et leur conférer une âme. »
Anne ne connaît pas la panne pour « faire jaillir le sentiment » d’un lieu : un banc à l’acier grésillant d’un rouge électrique vient ici égayer un hall et sa nature austère ; des bois classés immiscent là leurs troncs de bouleau sur l’initiative de l’entrepreneuse, qui l’abat au stère. Quant à ce « discours urbain » qu’elle façonne avec les confrères, il dépasse les postures de façade lorsqu’arrive le moment de bûcher sur celle des constructions. C’est en marchant dans la ville, le quartier qu’Anne alimente sa démarche, en s’imprégnant d’une atmosphère que se révèlent portes cochères et verrières altières, en arpentant les rues que sous-pentes et volumes s’exhument.
L’architecture acquière en texture à chaque pas effectué pour « rentrer dans le dossier », et aboutir à cette simplicité chère aux horlogers : « Je pousse la technique à son terme ; c’est très important pour moi. Découvrir un de mes projets, c’est comme retourner la face d’une montre, et apprécier la complexité du détail derrière. »
Outre les partenaires fidélisés pour sa compétence et son obligeance, la recommandation rameuta rapidement des caractères dont le fameux promoteur Monsieur Devillers est sans doute le plus flamboyant exemplaire : « Il a soixante-quinze ans, une vivacité intellectuelle phénoménale, et c’est un bourreau de travail qui est même venu travailler chez moi un dimanche ! J’aime cette confrontation très technique que nous avons. Avec lui, on peut passer six mois sur une étude de plan masse. »
L’architecte s’est donc démenée pour lui déposer un permis sous trente jours, s’accorder au diapason des réglementations martiniquaises et planter son drapeau à Fort-de-France. Pour celle chez qui le cadastre ne se lit pas avec la légèreté réservée à la carte des astres, le respect de la profession s’est remporté par une opiniâtreté à l’épreuve de la rentabilité. Autant de succès nourrissant la réputation de son atelier pensé pour ne pas se retrancher dans les certitudes, dont Anne avait prévu les agrandissements dès les frémissements : « Je ne voulais pas du mot “cabinet” parce que je le perçois comme un repli sur soi, et porteur d’un rapport hiérarchique. Alors que dans un atelier, on échange, on progresse. Ce qui compte pour moi, c’est cette notion d’ouverture, de passage, de réalisation au sens artistique, cette notion de collaboration. »
Des choix qui ont emmené son atelier sur une voie éclairée : celle de l’humain. L’importance de l’autre, de ses collaborateurs, de ses clients, des futurs occupants. Elle n’est pas une cheffe d’entreprise conventionnelle, avec un management horizontal naturel et une intelligence collective prépondérante afin de responsabiliser, guider et transmettre dans la sincérité, l’authenticité, la bienveillance. Rejeter l’opportunisme, se poser sur des valeurs essentielles, avoir confiance et avancer.
© Trafalgar Maison de Portraits & Ksenia Vysotskaya.
Photo prise à l’Hôtel Fourvière de Lyon
Anne Terrier est membre de l’association Le Cercle de Zaha depuis 2018. En tant que chef d’entreprise dans le secteur de l’architecture, elle fait notamment partie de la mission Solidarité Jeunesse. Le but ? Sensibiliser les jeunes femmes aux métiers du bâtiment ! Dans cette optique des rencontres sont organisées dans des collèges, des lycées, des IUT, des BTS… Les objectifs de ces sessions sont les suivants :
• Offrir des témoignages de femmes œuvrant dans les métiers du bâtiment,
• Confirmer la légitimité des femmes dans ce secteur,
• Rompre le silence sur les situations d’inégalité,
• Renforcer le réflexe d’égalité femme-homme,
• Encourager la bienveillance, l’audace, l’envie et le partage.
Créé à Lyon en 2013 et devenu Association Loi 1901 en 2015, le Cercle de Zaha réunit des femmes dirigeantes du secteur de l’architecture, de la construction et du paysage. Des femmes de talent et d’horizons multiples qui s’inscrivent dans l’esprit libre et original de Zaha Hadid, première femme lauréate du prix Pritzker d’architecture en 2004.
Depuis 2013, l’association Rêv’Elles inspire, motive et accompagne les jeunes femmes des quartiers populaires, dans leur épanouissement personnel et professionnel.
Anne Terrier fait partie de la communauté de rôles modèles lyonnaises afin d’apporter son expérience, son soutien et ses conseils aux jeunes femmes en quête de sens et de questionnements. « C‘est toujours avec plaisir que l’agence accueille dans le cadre de stages ou de rencontres ces futures actrices de notre société et de leur proposer notre aide ».
Depuis 2 ans, l’atelier ANN-T fait partie du réseau des professionnels de l’Eco-Bâtiment – LE CLUSTER ECO-BÂTIMENT. C’est un outil de développement économique rassemblant plus de 220 professionnels spécialistes de la performance énergétique et environnementale des bâtiments et ayant pour vocation à structurer la filière de l’éco-bâtiment et stimuler le développement économique des acteurs de la rénovation et construction durable et bas-carbone.
Ce cluster nous permet d’être en lien direct avec tous les professionnels volontaires et entreprenants dans ces domaines, d’être formés et d’évoluer rapidement dans notre contexte social exigeant.